[Interview] Scali Delpeyrat : « Ce spectacle est un spectacle qui m’enseigne sur moi-même »

Scali Delpeyrat / © Ciné, Séries, Culture
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A l’occasion de la 56ème édition du Festival Off d’Avignon, j’ai pu aller à la rencontre de Scali Delpeyrat, qui est actuellement à l’affiche de Je ne suis plus inquiet, un seul en scène dont il est également l’auteur et le metteur en scène. La pièce se joue du 7 au 30 juillet à La Scala Provence située à Avignon.

Bonjour Scali, vous jouez actuellement dans Je ne suis plus inquiet à La Scala Provence, un spectacle que vous avez également écrit et mis en scène. Pouvez-vous nous le présenter ?

Le spectacle est né suite à une expérience assez confidentielle que je m’étais offerte et qui a été d’écrire et d’interpréter un pur stand-up, écrit dans les pures règles du stand-up c’est-à-dire faire des blagues toutes les 40 secondes. J’ai fait ça à Paris dans plusieurs salles et j’ai d’ailleurs fini cette série de stand-up au théâtre du Splendid. J’ai beaucoup aimé faire ça, ça a laissé des traces en moi, un peu comme quand vous goutez à un alcool fort qui vous laisse un effet d’ivresse : vous savez que vous n’êtes peut-être pas complètement fait pour l’alcool mais vous gardez un bon souvenir de l’ivresse. Et c’est ce qui m’est arrivé. Je ne sais pas si je suis vraiment fait pour le stand-up mais j’ai adoré cette sensation d’adresse directe, de parler à des gens, de les regarder dans les yeux et, là, en l’occurrence de les faire rire et, en même temps, de leur raconter des choses assez intimes.

L’année d’après, le festival d’Avignon IN, c’est-à-dire les équipes d’Olivier PY et les équipes de la SACD avec notamment Valérie-Anne Expert, m’ont demandé d’écrire un des Sujets à vif. Donc j’étais un peu sur la lancée de l’adresse au public et j’ai pu constater que je pouvais faire quelque chose qui ressemble à un stand-up mais avec des préoccupations disons plus poétiques. Et pour Je ne suis plus inquiet, j’ai tiré les leçons de ces deux spectacles, mon stand-up et La Rose en céramique, qui est un spectacle qu’on peut encore voir sur Youtube puisqu’il a été filmé pour les Sujets à vif. J’ai voulu y raconter beaucoup de choses sur mon rapport à la solitude, mon rapport à l’amour, mon rapport à la disparition et à la maladie de mon père, mon rapport à ce chat de la SPA que j’ai adopté. J’ai voulu raconter ça de manière très intriquée pour montrer qu’une personne, en fait, c’est une sorte de mélange identitaire complexe de choses qui sont tout aussi bien pathétiques que drôles et c’est pour ça que je procède par très courts textes dans le spectacle.

Avec ce spectacle tiré de votre livre du même nom, vous explorez votre histoire personnelle ?

Oui. En fait, quand j’ai proposé le projet à Claire David de la maison Actes Sud-Papiers, elle m’a proposé d’écrire plus que si je devais simplement jouer le spectacle puisqu’elle lançait une nouvelle collection qui s’appelle Au singulier et qui a pour ambition d’éditer des textes qui pourraient être des textes de littérature bien qu’ils soient à la base des textes écrits à la première personne comme tous les monologues. Et, dans un second temps, j’ai adapté mon propre livre pour en faire un spectacle. C’est ce que je dis aux gens qui viennent voir le spectacle : ils peuvent acheter le livre puisqu’il y a encore plus d’histoires dans le livre. J’ai été obligé de couper des passages parce que je voulais que le spectacle ne dure pas plus de 1h10.

Vous êtes seul sur scène. Est-ce un exercice que vous appréciez en tant que comédien ?

J’ai un rapport très ambigu à cette solitude parce qu’il y a quelque chose dans le fait de m’adresser tout seul à un public qui m’est totalement nécessaire mais les à-côtés ne sont pas faciles à gérer. Ce n’est pas facile à gérer d’être tout seul dans sa loge, d’être tout seul à la sortie du spectacle, d’être tout seul dans les coulisses juste avant d’entrer en scène et encore moins d’être seul pour les tournées. Mais après, quand je suis avec mon public et que je sens les gens rire, que je sens les gens être émus, ça c’est vraiment merveilleux car je suis en prise directe et c’est tout à moi ça.

Le public vous connaît davantage en tant que comédien, que ce soit à la télévision, au cinéma ou au théâtre. Qu’est-ce qui vous a poussé à passer à l’écriture ?

Je crois justement que c’est une légère accumulation de frustrations. J’ai joué de très beaux rôles au cinéma, des très grands rôles au théâtre. Un grand auteur contemporain m’a même écrit un monologue : David Lescot a écrit pour moi et sur une idée à moi L’amélioration qui est publié chez Actes Sud. Et, malgré tout, demeurait, année après année, quelque chose que je pourrais appeler une frustration. Et cette frustration, j’ai compris que c’est de raconter mes histoires, de parler des choses que j’ai expérimentées, que j’ai vues, que j’ai entendues de ma famille, de mes proches, de mes amours et de ma sensibilité propre. C’est à la fois absolument nécessaire et parfois effectivement un peu douloureux.

Le spectacle va-t-il être repris à Paris ou en tournée par la suite ?

Je peux dire qu’une des raisons de la présence du spectacle ici à la Scala Provence c’est effectivement d’organiser une très grande tournée en 2024 parce qu’en 2023 je suis sur une autre tournée d’un autre spectacle.

Pour répondre à votre question concernant Paris, le spectacle est très bien reçu ici et je commence enfin à pouvoir espérer peut-être une reprise à Paris aussi. Mais, pour ça, je touche du bois car, pour l’instant, ce n’est pas dans les tuyaux.

C’est votre premier Festival OFF. Que représente ce festival pour vous ?

Oui et non parce que, quand j’avais à peine 20 balais, alors que je jouais un spectacle à Paris, le metteur en scène est arrivé et nous a dit qu’il avait reçu un coup de fil d’Avignon dont le festival avait déjà commencé. Le comédien d’un spectacle était malade, la compagnie avait annulé sa venue et le directeur du théâtre était furieux. Donc on est allé jouer quelques jours dans ce théâtre pour combler une place vacante mais on n’avait pas de tract, on dormait à 20 dans le même appartement, ça a été épique…

Donc, cette année, c’est mon vrai premier Festival OFF. Je suis content et à la fois fatigué mais surtout je suis très content de vivre pleinement l’expérience du OFF avec un spectacle dans un vrai théâtre, avec de vrais enjeux, des producteurs. C’est une chance de pouvoir vivre ça. J’ai vécu plusieurs fois des programmations dans le IN mais je pense que ça manque à tout acteur du IN de faire un OFF.

Avez-vous d’autres projets qui se profilent à l’horizon après le Festival ?

Il y aura déjà quelques dates pour Je ne suis plus inquiet cette année entre septembre et novembre. Il y a aussi quelques tournages dont je ne peux trop rien vous dire encore. Mais le vrai projet pour moi c’est de finir l’écriture de mon prochain texte dont j’espère qu’il va sortir en littérature. Et j’adorerais être publié chez Actes Sud mais dans la collection Actes Sud littérature cette fois.

Auriez-vous un coup de cœur à partager pour ce Festival OFF 2022 ?

Je n’ai aucun coup de cœur à partager car je n’ai eu le temps de rien faire. Le spectacle me prend toute la matinée. Le temps d’aller déjeuner, il est déjà 14h. Je me repose un peu, je tracte et je vous avoue que je suis très fatigué avec cette chaleur. Ça demande vraiment beaucoup d’énergie, surtout que je me lève tôt le matin. Pour être éveillé à 11h, je me réveille autour de 7h. Ce n’est pas non plus aux aurores mais quand vous êtes debout depuis 7h, avec la chaleur et tout, retourner dans les théâtres c’est compliqué. Mais c’est prévu à partir de la semaine prochaine (ndlr : l’interview a été faite le 14 juillet), je vais essayer de voir tout ce que je peux ici à la Scala Provence.

Pour conclure, je vous laisse le mot de la fin.

Dans mon spectacle, il y a régulièrement des moments où les gens réagissent par le rire et j’adore ça. Je pense qu’une de mes raisons d’écrire c’est de faire sourire, de faire rire. Par ailleurs, dans ce spectacle, il y a plusieurs histoires assez captivantes pour l’attention, il y a même des histoires un peu émouvantes où les gens ne réagissent pas par le rire. Et moi, au début de l’histoire de ce spectacle, quand je n’entendais pas les gens rire, je pensais que j’avais tout loupé donc je me disais que j’étais en train de faire un bide, que les gens détestaient. J’ai eu des représentations avec très peu de rires, donc j’étais dégouté mais, à la fin du spectacle, les gens applaudissaient très fort, disaient « Bravo ! » et puis, à la sortie du spectacle, les gens me disaient qu’ils avaient été émus. Je vous raconte ça pour vous dire qu’en fait ce spectacle est un spectacle qui m’enseigne sur moi-même c’est-à-dire que c’est un spectacle qui m’apprend à faire confiance à l’émotion et à faire confiance au récit parce que, au fond, je me suis rendu compte que j’étais quelqu’un qui ne faisait confiance qu’au rire, qu’à la légèreté. Donc c’est un spectacle qui m’enseigne une forme de lâcher prise par rapport à ça. Je pense du coup que ce texte et ce spectacle vont marquer un tournant dans mon écriture.

Autrement, j’aimerais remercier Caramba Good Morning mes producteurs, j’aimerais remercier Olivier Schmitt le programmateur de la Scala Provence grâce à qui je suis là et, bien sûr, Frédéric et Mélanie Biessy qui s’occupent de ce théâtre. J’aimerais vraiment remercier le Théâtre de la Ville et l’ADAMI qui sont mes deux premiers producteurs. A l’origine, ce sont eux qui produisaient ce spectacle. Maintenant, il est diffusé par Caramba Good Morning mais ce projet a commencé par le soutien absolu d’Emmanuel de Marcy Motta, directeur du Théâtre de la Ville. Donc c’est aussi un parcours entre le théâtre subventionné et le théâtre privé et ça peut le faire de temps en temps.

Un grand merci à Scali Delpeyrat d’avoir pris le temps de répondre à mes questions pour Ciné, Séries, Culture.


 Je ne suis plus inquiet (1h15)

  • Auteur : Scali Delpeyrat
  • Metteur en scène : Scali Delpeyrat
  • Avec : Scali Delpeyrat

A l’affiche de La Scala Provence du 7 au 30 juillet 2022 à 11h00 (relâches les 11, 18 & 25 juillet)

Résumé : Comédien singulier au théâtre (mis en scène par Denis Podalydès, David Lescot ou Olivier Py) comme au cinéma et à la TV (Baron Noir, Les Tuches, Le Goût des autres), Scali Delpeyrat se dévoile pour la première fois dans un seul en scène.

Je ne suis plus Inquiet, c’est un assemblage de séquences loufoques et émouvantes, où se bousculent l’histoire vraie de ses grands-parents échappés miraculeusement des rafles du Vel’ d’Hiv, les dîners en ville, ses histoires d’amour contrariées, sa relation avec son père, son enfance dans le sud-ouest…

Un spectacle savoureux, mélange d’humour et de perplexité, pimenté d’un sens aigu du détail incongru et autres bizarreries de la vie quotidienne.

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