[Interview] Hélène Zidi et Lola Zidi : « On est complètement émues par Camille Claudel »
A l’occasion de la 53ème édition du Festival Off d’Avignon, j’ai pu aller à la rencontre de Hélène Zidi et Lola Zidi, toutes deux à l’affiche de Camille contre Claudel, pièce qu’Hélène Zidi a également écrite et mise en scène. Elle se joue du 5 au 29 juillet au Théâtre du Roi René à Avignon.
Bonjour Hélène et Lola. Hélène, vous avez écrit et mis en scène Camille Contre Claudel, pièce dans laquelle vous jouez aux côtés de votre fille, Lola. Comment est né ce projet ?
Hélène Zidi : Je voulais écrire sur Camille Claudel depuis très très très longtemps mais je ne trouvais pas l’angle d’attaque. Je voulais un angle fort, parce qu’il y a eu pas mal de choses de faites et ça ne valait pas le coup que je refasse quelque chose qui n’apporte pas une valeur ajoutée. Je regardais ma fille, qui me ressemble énormément, et je me revoyais. Je me suis dit : « Mais qu’est-ce que je raconterais à la jeune fille de 16/17 ans que j’étais avec toute son insouciance, sa naïveté, son innocence, son enthousiasme sur le théâtre, aujourd’hui avec l’expérience que j’ai ? ». Et là je me suis dit : « Mais bien sûr que tu l’as ton sujet sur Camille Claudel ! ». Puisqu’elle, elle a vécu pendant 30 ans enfermée, elle n’a dû faire que ça de se remettre en question, de se parler, de repartir dans ses souvenirs, de se dire « Est-ce que je referais la même chose si seulement on avait pu me prévenir ? ». Et là, j’ai écris la pièce très rapidement en fait. J’ai quand même fait un an de recherche mais pour la pièce en elle-même j’ai été très inspirée. Et puis j’avais très envie de jouer avec ma fille parce que dans Libres sont les papillons, on jouait une scène seulement et on se régalait. C’est magnifique de jouer sur le mimétisme de ces deux Camille qui se dédoublent : une qui vieillit, l’autre qui rajeunit, en créant vraiment le mimétisme au niveau de la coiffure, des traits. Et c’est un vrai bonheur de jouer avec Lola. Ca, je dois dire, on s’est fait un beau cadeau.
Lola Zidi : Et c’est totalement partagé.
Vous jouez toutes les deux Camille Claudel à deux périodes différentes de sa vie. Comment se glisse-t-on dans la peau d’un tel personnage ?
Hélène Zidi : En ce qui me concerne, en l’explorant. Le fait d’avoir écrit la pièce, d’avoir tellement travaillé sur elle, on s’imprègne, on devient. Et puis j’aime cette femme, j’aime la défendre, j’aime son sens de la liberté, j’adore ses sculptures. J’aime sa manière d’aimer. Elle est entière, elle est intègre, elle est franche, elle est authentique. J’adore les gens comme ça.
Lola Zidi : Moi c’est un peu particulier, c’est-à-dire que c’est très instinctif. Je me suis aussi renseignée forcément par tout le travail qu’a fait Hélène et qu’elle m’a fait découvrir. J’avais déjà vu le film il y a des années. Bizarrement, Camille est arrivée à une période de ma vie où, elle, malheureusement, personne l’a sauvé et, elle ne le sait pas, mais c’est elle qui m’a sauvé. Vraiment. J’ai l’impression que c’est elle qui vient à moi quand il s’agit de jouer.
Rodin n’apparaît pas physiquement sur scène mais il joue néanmoins un rôle déterminant grâce à la voix off de Gérard Depardieu.
Hélène Zidi : Oui, très. J’ai cette sculpture absolument magnifique qui a été faite par Francesco Passaniti qui est un artiste incroyable et qui m’a fait la tête de Rodin. Et la voix de Depardieu, ça, ça a vraiment été la cerise sur le gâteau. Parce que je n’imaginais pas quelqu’un d’autre que Depardieu pour me faire la voix. J’ai été simplement lui demander, je lui ai donné le dossier de presse et il a dit oui. Et il nous a rien demandé. Il l’a fait gracieusement, en grande classe.
La pièce a été un des succès du Festival Off en 2016 et 2017. Vous la rejouez donc à Avignon pour la troisième année consécutive. D’autres dates sont-elles prévues par la suite ?
Hélène Zidi : Oui, on a déjà commencé une tournée cet hiver. On a joué pas mal de dates. On était contentes. On a joué à Nogent-sur-Seine pour l’anniversaire des 1 an de l’ouverture du Musée Camille Claudel. On a été invité par la famille donc ça c’était vraiment une belle reconnaissance. On a été joué à Fère-en-Tardenois, là où elle est née. Ils nous ont fait venir.
Lola Zidi : C’était dans le cadre d’un festival. On a joué en Suisse aussi.
Hélène Zidi : On a également joué au Chesnay. Et là on a pas mal de dates, notamment à Lyon. Je suis très contente. Vraiment très heureuse.
Lola Zidi : Et surtout on reprend à Paris en octobre.
Hélène, vous êtes également la directrice du Théâtre du Roi René à Avignon, qui fête ses 10 ans d’existence. Pourriez-vous nous parler un peu de la programmation 2018 ?
Hélène Zidi : Je l’ai fait avec mon administratrice qui m’est précieuse, qui s’appelle Julie Migozzi et avec qui je travaille depuis des années. On a une grande complicité artistique, une grande confiance. On discute beaucoup toutes les deux de la programmation, on peut donner leur chance à de jeunes compagnies mais en qui on croit, qui ont des projets audacieux, à des gens un peu plus confirmés mais on ne prendra jamais des gens confirmés si on ne croit pas au projet. En fait, on a une règle de conduite qui est qu’on ne programme qu’avec sincérité et non pas par copinage. C’est peut-être ça la clé. On ne fait pas de concession.
Le reste de l’année, en plus de votre travail de comédienne, d’auteur et de metteur en scène, vous dirigez également le Théâtre Côté Cour à Paris, ainsi qu’une école, Le Laboratoire de l’Acteur.
Hélène Zidi : J’ai un théâtre à Paris. J’ai une école d’acteurs. J’ai formé des acteurs qui travaillent beaucoup. J’adore transmettre. C’est quelque chose d’essentiel pour moi. Ça a aussi pas mal de sens dans ma vie la transmission. Et oui ça me prend du temps, je coache avec une amie qui est Célia Granier-Deferre, et mon premier assistant Grégory Magana, qui est coach également. On n’est pas beaucoup, on n’est que trois et on se régale. On coache des acteurs vraiment pour qu’ils travaillent. Là on a le plus grand agent de Paris qui nous en a pris sept d’un coup donc on est très fiers. En fait, je n’arrête pas mais j’adore ce que je fais. Donc ça ne me coûte pas. Il faut juste que j’arrive à trouver le moyen de me ressourcer. Comme tout le monde, quand on fait beaucoup de choses, il faut se ressourcer.
Lola, si j’ai bien compris, en plus de votre actualité théâtrale, il y a un nouveau projet musical en préparation ?
Lola Zidi : Oui, je suis sur un projet musical qui s’appelle Petite Cuillère sur lequel j’ai travaillé toute cette année, qui est entre guillemets terminé, c’est-à-dire que la matière est là. Maintenant on est en train de démarcher. On va voir comment ça va se passer. Mais je suis très contente de ça en effet. Je travaille avec quelqu’un qui est derrière le projet, qui est en équipe avec moi sur Petite Cuillère. Ça ne saurait tarder à arriver.
Et toutes les deux, après le festival, est-ce que vous avez d’autres projets qui se profilent à l’horizon, en dehors de Camille contre Claudel ?
Lola Zidi : Moi je tourne au mois d’août dans le prochain film de PEF (Pierre-François Martin-Laval) avec Gérard Depardieu.
Hélène Zidi : Ça, c’est incroyable.
Lola Zidi : Un petit rôle mais je suis super heureuse.
Hélène Zidi : Et moi, cette année, je compte essayer de trouver le temps pour écrire une pièce. Et faire la mise en scène d’une autre pièce, une comédie avec trois personnages, deux hommes et une femme, pour le prochain Festival d’Avignon.
Auriez-vous un coup de cœur à partager pour cette édition 2018 du Festival Off d’Avignon ?
Lola Zidi : On a pas eu le temps d’en voir beaucoup mais on est allé voir Adieu Monsieur Haffmann qu’on a adoré bien entendu.
Hélène Zidi : Oui, c’est évident. Mais, sincèrement, je vais vous répondre que, pour moi, les coups de cœur ils sont chez moi.
Lola Zidi : Par exemple, moi j’ai eu un vrai coup de cœur pour une actrice qui joue dans Adieu Monsieur Haffmann. C’est Charlotte Matzneff. Elle est in-croy-a-ble ! Et je sais qu’elle met en scène aussi un Molière, Le médecin malgré lui, à 13h50 au Théâtre Actuel. Il faut absolument que j’aille le voir. Mais elle, en tant qu’actrice, elle est époustouflante. Elle m’a mis par terre. J’ai adoré la pièce, mais vraiment Charlotte m’a mis K.O. C’est elle mon vrai coup de cœur.
Hélène Zidi : Tous les spectacles au Roi René sont des vrais coups de cœur. J’ai pas tellement envie d’en mentionner un plus qu’un autre parce que je risquerais de ne pas être trop juste et de leur faire de la peine. Mais c’est mes bébés donc je ne peux pas renier un bébé (rires).
Pour conclure, je vous laisse le mot de la fin.
Hélène Zidi : Pour moi le mot de la fin, c’est « Vive Camille Claudel ! » parce qu’on a eu une femme à l’époque qui avait une liberté de penser, de s’exprimer avec les mains par la sculpture, une liberté d’aimer, une liberté de dire tout haut ce qu’elle pensait et qui s’est battue dans un monde d’homme avec toute sa rage. Et je trouve qu’elle a eu un courage que, parfois, on n’a pas aujourd’hui. Elle est aussi emblématique qu’une Simone Veil. Il faut s’en souvenir tous les jours. Il y a des femmes incroyables qui nous ont fait le chemin, il ne faut pas perdre tout ça. Et je trouve qu’on est un petit peu en perte de valeurs et aller voir des spectacles comme ça, ça nous recadre un peu quand même.
Lola Zidi : Et, pour moi, le mot de la fin ça sera une phrase de Camille Claudel : « Si vous êtes gentil, à tenir votre promesse, nous connaîtrons le paradis ».
Hélène Zidi : On est complètement émues par Camille Claudel.
Un grand merci à Hélène et Lola Zidi d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
Camille Contre Claudel (1h20)
- Auteur : Hélène Zidi
- Metteuse en scène : Hélène Zidi
- Avec : Hélène Zidi, Lola Zidi et la voix de Gérard Depardieu
A l’affiche du Théâtre du Roi René à Avignon du 5 au 29 juillet 2018 à 16h35 (à l’exception du 10 juillet).
[…] [Interview] Hélène Zidi et Lola Zidi : « On est complètement émues par Camille… […]