[Interview] Jean-Philippe Daguerre : « Si on me donne la possibilité de créer des spectacles, je fonce parce que j’adore ça ».

A l’occasion de la 56ème édition du Festival Off d’Avignon, j’ai pu aller à la rencontre de Jean-Philippe Daguerre qui a une actualité très chargée cette année avec pas moins de 6 pièces à l’affiche dont 5 en tant que metteur en scène.

Bonjour Jean-Philippe, vous avez une actualité très chargée en ce Festival OFF 2022 puisque vous mettez en scène 5 spectacles, que ce soit des reprises comme Adieu Monsieur Haffmann – dans lequel vous jouez également, Le Petit Coiffeur et Les Vivants, mais aussi des créations comme La Chambre des Merveilles et Le Voyage de Molière. Et vous signez également l’adaptation des 3 Mousquetaires. Cela ressemble à un véritable marathon ?

Jean-Philippe Daguerre : Oui, c’est sûr. Entre le confinement l’année d’avant et le Festival l’année dernière qui a été un peu tronqué, on a eu du temps pour essayer de préparer un Avignon. On a regroupé ce qu’on avait prévu de faire cette année et la saison d’avant. Du coup, j’ai six spectacles avec deux nouveautés. C’est vrai que ça fait beaucoup de travail mais ça démultiplie le plaisir qu’on a d’offrir des spectacles à tous les passionnés de théâtre.

Pouvez-vous nous présenter ces 6 pièces afin de donner envie aux lecteurs de les découvrir ?

Le plus ancien, c’est Adieu Monsieur Haffmann qui repart pour sa sixième participation au Festival, au Théâtre du Roi René. Celui-ci, c’est vraiment mon « tube » puisqu’on va fêter la millième représentation le 5 octobre à Paris et c’est un spectacle qui est né ici au Théâtre Actuel il y a 6 ans.

Après, il y a Le Petit Coiffeur que j’avais créé ici l’année dernière et qui avait été joué au Théâtre Rive Gauche pendant toute la saison. On refait une saison en Avignon car il y avait plein de gens en liste d’attente qui n’ont pas pu le voir l’an passé donc on s’est dit qu’il y avait encore un gros potentiel. Et on se rend compte qu’on a bien fait de revenir puisque c’est complet tous les jours cette année. C’est un grand plaisir.

Le voyage de Molière est une nouvelle création qui se joue au Théâtre du Chien qui Fume. C’est un hommage à Molière que j’ai co-écrit avec Pierre-Olivier Scotto pour rendre hommage à la fois à Molière et au théâtre en général. C’est une fresque originale qui s’inspire un peu du film Retour vers le futur, avec un jeune comédien d’aujourd’hui qui est passionné de Molière, qui passe sa première audition mais qui a tellement le trac qu’il s’évanouit et il se retrouve projeté en 1656 dans la troupe de Molière à Pézenas à l’époque où Molière est en grande difficulté, dans le doute, bien avant qu’il arrive à Versailles. Cette aventure-là est assez passionnante à vivre pour nous car c’est un vrai théâtre de troupe, dans la grande tradition du théâtre de Tréteaux et on se régale à le faire au Théâtre du Chien qui Fume qui est l’un des plus beaux théâtres d’Avignon.

J’ai également Les Vivants, une pièce de Fanny Chasseloup qui est une rescapée du Bataclan et qui nous a fait une pièce magnifique sur la reconstruction, avec beaucoup de poésie et d’humour en abordant cette soirée du Bataclan : à la fois sur ce qui s’est passé dans sa tête lorsqu’elle s’est retrouvée enfermée dans les toilettes du Bataclan et également sur tout ce qui s’est passé ensuite durant sa reconstruction psychanalytique avec une forme de rêverie et un personnage un peu incroyable qui débarque dans sa vie, une sorte de petit génie de la lampe. Ce sont des univers très différents.

Il y a aussi La Chambre des Merveilles, ma dernière création adaptée du superbe roman de Julien Sandrel. J’ai eu la chance que la famille Houdinière qui possède le théâtre Actuel pense à moi pour adapter et mettre en scène ce roman parce qu’ils leurs semblaient que cet univers-là pouvait correspondre au mien et que j’aurais eu envie de faire une adaptation. Et c’est ce que j’ai fait.

Et puis, enfin, il y a Les 3 Mousquetaires tous les soirs au Théâtre du Chien qui Fume, mis en scène par Charlotte Matzneff, et qui est vraiment la signature de notre compagnie Le Grenier de Babouchka avec 12 comédiens à fond sur scène, pleins de combats, de la musique sur scène et des chants pour nous faire revivre l’épopée des 3 Mousquetaires d’Alexandre Dumas.

Pourra-t-on retrouver ces pièces à Paris ou en tournée après le Festival OFF 2022 ?

Oui, ce sera le cas pour les nouveaux spectacles. Les 3 Mousquetaires, c’est un spectacle qu’on retrouvera au Théâtre du Ranelagh toute la saison à Paris. Le Voyage de Molière sera au Théâtre du Lucernaire à partir de fin octobre jusqu’à début janvier. Ensuite, normalement, on devrait enchaîner dans un autre théâtre à Paris. Et, en janvier 2023, on jouera au Théâtre des Variétés à 19h La Chambre des Merveilles.

Et on jouera aussi Adieu Monsieur Haffmann au Théâtre de la Tour Eiffel à partir du 5 octobre pour fêter la 1000ème jusqu’aux vacances de Noël incluses. On change de théâtre parce que le Théâtre Rive Gauche avait déjà pris des engagements avec d’autres spectacles formidables. On sent que le spectacle en a encore sous la pédale, qu’il y a encore pleins de gens qui ont envie de le voir et, tant qu’on a des gens qui ont envie de le voir, comme nous on a hyper envie de le jouer, on continuera à le jouer. Quand les gens n’auront plus envie de le voir, on arrêtera de le jouer. C’est le principe.

Vous êtes un grand habitué du Festival OFF. Qu’est-ce que vous appréciez ici ?

Le OFF, c’est mon mois préféré de l’année parce qu’il y a une adrénaline extraordinaire. C’est plein de rencontres, de passionnés, que ce soit entre tous les artistes qui se retrouvent dans cette enceinte incroyable – on est quand même 1500 spectacles – et surtout avec tous ces spectateurs qui arrivent de la France entière et qui choisissent chaque année de venir ici. Ces passionnés-là nous donnent une patate incroyable. Et les représentations que l’on fait à Avignon ne sont jamais les mêmes qu’ailleurs. A Paris, les gens font plus une sortie au théâtre. A Avignon, ce sont vraiment les passionnés qui viennent donc il y a vraiment cette rencontre directe avec les spectateurs : on peut parler avec eux après, on échange. Il y a une générosité qui s’installe, un dialogue qui est extraordinaire, donc c’est vrai qu’Avignon, c’est une adrénaline extraordinaire et que ça donne du sens à notre métier. A chaque fois, je dis que je me recharge à Avignon. Certes, on est crevé à la fin du mois parce que c’est quand même vachement fatigant mais c’est une fatigue extraordinaire à vivre parce que c’est un échange très puissant. Ça me recharge toutes les batteries pour l’année qui suit à Paris, pour présenter nos spectacles et pour toutes les tournées.

Au cours des dernières années, j’ai pu remarquer que plusieurs pièces créées dans le Festival OFF ont, par la suite, été récompensées aux Molières. C’est notamment le cas de Adieu Monsieur Haffmann. Comment pourriez-vous l’expliquer ?

Je pense que ça a démarré grâce à Alexis Michalik avec Le Porteur d’Histoire. Il a fait comprendre aux théâtres parisiens qu’on pouvait faire de gros succès sans forcément avoir des têtes d’affiches et qu’on pouvait envisager des créations contemporaines qui peuvent naître à Avignon et passionner les gens à Paris aussi. C’est le cas notamment de Adieu Monsieur Haffmann, du Cercle des Illusionnistes, de La Machine de Turing, des Cavaliers, des Chatouilles. Il y en a eu plusieurs comme ça qui sont nés à Avignon et qui, après, ont fait une grosse carrière à Paris et en France.

Tout à coup, ça a rabattu les cartes du théâtre privé parisien ce qui fait que, maintenant, il n’y a pas qu’une obsession de trouver des têtes d’affiches. Ça existe toujours parce que les gens ont envie de voir des acteurs populaires et c’est normal. Moi le premier, j’ai aimé le théâtre et j’ai eu envie d’en faire parce que je voyais les acteurs populaires à la télévision quand je regardais des émissions comme Au Théâtre ce soir. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde et, surtout, qu’il faut de la place pour des spectacles qui font plaisir aux gens. Donc, si nous on fait plaisir aux gens, on est contents de faire plaisir aux gens. Et si on peut faire plaisir aux gens autant à Paris qu’à Avignon, on fait les deux.

En l’espace de quelques années, vous vous êtes imposés comme l’un des auteurs et metteurs en scène les plus prolifiques mais aussi le plus renommés du théâtre privé français. Comment l’expliquez-vous ?

Alors, la renommée, c’est quelque chose à laquelle je ne réfléchis jamais. Je réfléchis toujours à un côté prolifique. Je sais que la vie est très courte et je me dis que, tant que j’ai de l’énergie pour faire des choses, tant que je peux en faire et qu’on veut de moi, j’en fais. J’avais 14 spectacles à l’affiche cette année avec tous les classiques que je monte, plus les créations. Je ne suis pas en train de faire un calcul de carrière. Si j’ai envie, j’écris. Et si je peux les monter, je les monte. Tant que je peux m’éclater avec pleins de gens géniaux pour créer des spectacles, j’en ferais le maximum. Et on ne m’empêchera pas d’en faire. La seule façon de m’en empêcher, c’est que les théâtres me disent : « On ne veut pas de tes spectacles ». Et tant qu’on veut de mes spectacles, je fais des spectacles. Je fais travailler énormément de comédiens, j’en rencontre pleins et je trouve ça extraordinaire de rencontrer de nouveaux comédiens, de vivre intensément nos vies à travers le théâtre. En tout cas, moi, je ne réfléchis pas à la notoriété et aux choses comme ça. Si on m’ouvre un théâtre, qu’on me donne la possibilité de créer des spectacles, moi je fonce parce que j’adore ça.

Avez-vous d’autres projets qui se profilent à l’horizon après le Festival ?

J’ai deux nouvelles pièces que j’ai écrites, notamment pendant le confinement. J’ai Le huitième ciel sur un sujet original qui se passe de nos jours on va dire. Je la créerai au Théâtre du Balcon au prochain festival OFF avec notamment Florence Pernel dans le rôle principal qui est une actrice que j’adore. On la connait beaucoup grâce à la télévision et au cinéma mais c’est vraiment une actrice de théâtre incroyable et je suis hyper heureux de faire cette pièce de théâtre avec elle.

J’ai également une autre pièce qui s’appelle Du Charbon dans les veines, qui se passe en 1958 à Nœux-les-Mines, un village minier du nord de la France. J’ai écrit toute une saga durant une période particulière des mines en France au début de la Ve République. J’ai terminé cette pièce il y a très peu de temps et je la créerais en janvier 2024 au Théâtre Rive Gauche avec, après, une arrivée à Avignon.

Pour conclure, je vous laisse le mot de la fin.

Vive le théâtre !

Un grand merci à Jean-Philippe Daguerre d’avoir pris le temps de répondre à mes questions pour Ciné, Séries, Culture.


Adieu Monsieur Haffmann (1h30)

  • Auteur : Jean-Philippe Daguerre
  • Metteur en scène : Jean-Philippe Daguerre
  • Avec : Benjamin Brenière, Anne Plantey, Alexandre Bonstein, Marc Siemiatycki, Jean-Philippe Daguerre, Benjamin Egner, Salomé Villiers

A l’affiche du Théâtre du Roi René du 7 au 30 juillet 2022 à 10h00 (relâches les 11, 18 & 25 juillet).

Résumé : Paris. Mai 1942. Le port de l’étoile jaune est décrété pour les Juifs.

Au bord de la faillite, Joseph Haffmann propose à son employé Pierre Vigneau de lui confier sa bijouterie en attendant que la situation s’améliore. Pierre accepte, à condition que Joseph offre à sa femme ce qu’il ne parvient pas à lui offrir… un enfant.

Le Petit Coiffeur (1h25)

  • Auteur : Jean-Philippe Daguerre
  • Metteur en scène : Jean-Philippe Daguerre
  • Avec : Arnaud Dupont, Brigitte Faure, Romain Lagarde, Charlotte Matzneff, Thibault Pinson

A l’affiche du Théâtre Actuel du 7 au 30 juillet 2022 à 10h00 (relâches les 11, 18 & 25 juillet). Représentations supplémentaires les 12, 19 & 26 juillet à 13h40.

Résumé : Juillet 1944 : Chartres est libérée de l’Occupation allemande. Chez les Giraud, on est coiffeur de père en fils, et c’est donc Pierre qui a repris le salon « hommes » de son père, mort dans un camp de travail. Marie, sa mère, héroïne de la Résistance, s’occupe du salon « femmes » et se charge aussi de rabattre des clientes vers son fils, pour se prêter à une activité un peu particulière. Tout est dans l’ordre des choses jusqu’à ce que Lise entre dans leur vie…

Le Voyage de Molière (1h35)

  • Auteur : Jean-Philippe Daguerre, Pierre-Olivier Scotto
  • Metteur en scène : Jean-Philippe Daguerre
  • Avec : Grégoire Bourbier, Stéphane Dauch, Violette Erhart, Mathilde Hennekinne, Charlotte Matzneff, Teddy Melis, Geoffrey Palisse, Charlotte Ruby

A l’affiche du Théâtre du Chien qui Fume du 7 au 30 juillet 2022 à 12h35 (relâches les 12, 19 & 26 juillet).

Résumé : Léo, un jeune homme du XXIe siècle qui rêve d’être comédien, se retrouve accidentellement plongé en 1656 au cœur de la troupe de l’Illustre Théâtre de Molière. Commence alors une aventure extraordinaire dans un monde créatif et cruel où la vie et la gloire ne tiennent qu’à un fil.

Les Vivants (1h15)

  • Adaptation : Fanny Chasseloup
  • Metteur en scène : Jean-Philippe Daguerre
  • Avec : Julie Cavanna, Alexandre Bonstein, Benjamin Brenière, Hervé Haine

A l’affiche du Théâtre des Corps Saints du 7 au 30 juillet 2022 à 18h40 (relâches les 11, 18 & 25 juillet).

Résumé : Ils ont 30 ans. Ils sont fougueux et fans de Rock’n’roll. Mousse et Léo s’aiment depuis toujours et pour toujours. Le 13 novembre 2015, ils devaient aller voir Patti Smith à l’Olympia mais le concert fut annulé et c’est finalement les Eagles Death Metal qu’ils iront voir au Bataclan.

Les « Vivants », c’est avant tout une histoire d’amour. Une histoire qui parle du chemin sinueux à traverser après un traumatisme. Une histoire qui nous montre que même quand on pense avoir tout perdu, il est possible de lutter, de se battre pour retrouver sa vie d’avant, ou plutôt, (de vivre) sa vie d’après.

Une histoire autobiographique, sensible et poétique, qui nous donne envie, plus que jamais, de croire en la vie.

La Chambre des Merveilles (1h25)

  • Adaptation : Jean-Philippe Daguerre, d’après le roman de Julien Sandrel
  • Metteur en scène : Jean-Philippe Daguerre
  • Avec : Magali Genoud, Marie-Christine Letort, Théophile Baquet, Juliette Behar, Jean Aloïs Belbachir, Romain Lagarde

A l’affiche du Théâtre Actuel du 7 au 30 juillet 2022 à 19h40 (relâches les 10, 17 & 24 juillet). Représentations supplémentaires les 11, 18 & 25 juillet à 15h30

Résumé : Louis, 13 ans, est dans le coma depuis qu’il s’est fait renverser par un camion. Effondrée, sa mère Thelma découvre qu’il avait caché sous son lit un journal intime dans lequel il compilait toutes ses « merveilles », ce qu’il rêvait d’accomplir dans la vie. Thelma va l’utiliser pour essayer de réveiller Louis : elle va réaliser tous ses rêves pour lui et lui raconter chaque expérience.

De situations cocasses voire loufoques, en rencontres inattendues, Thelma va vivre des journées incroyables, avec l’espoir que chaque étape ramène Louis à la vie… Ce spectacle nous remplit de joie et d’espoir.

Les Trois Mousquetaires (1h40)

  • Adaptation : Jean-Philippe Daguerre, d’après le roman d’Alexandre Dumas
  • Metteur en scène : Charlotte Matzneff
  • Avec : Geoffrey Callènes, Stéphane Dauch, Emilien Fabrizio, Caroline Frossard, Barbara Lamballais, Xavier Lenczewski, Tonio Matias, Christophe Mie, Sandra Parra, Thibault Pinson, Julien Renon, Edouard Rouland

A l’affiche du Théâtre du Chien qui Fume du 7 au 30 juillet 2022 à 21h15 (relâches les 12, 19 & 26 juillet).

Résumé : Une grande épopée avec 12 artistes sur scène. Des chants et de la musique jouée en direct, une dizaine de combats d’épée magistralement chorégraphiés, de l’humour et de l’amour dans cette fantastique aventure théâtrale !

Nous avons voulu, à travers cette adaptation originale du chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas, rendre hommage au théâtre de tréteaux et au grand cinéma de cape et d’épée. Le traitement moderne et épuré de la scénographie mêlé à une reconstitution classique des costumes hauts en couleur permet un mouvement de jeu permanent pour un merveilleux voyage dans le temps.

Comments (1)
Add Comment