[Interview] Jérémie Covillault : « Bane m’a permis de m’installer comme une vraie voix dans le doublage »

Durant le week-end du 24 et du 25 novembre, Jérémie Covillault était présent au Château de la Buzine pour la première édition de la Planet Fiction Convention. A cette occasion, j’ai pu l’interviewer. Durant cet échange, il a notamment évoqué sa carrière, son activité de comédien de doublage et ses projets.

 

Bonjour Jérémie. Ce week-end (ndlr : l’interview a été réalisé le 24/11/2018) tu es présent à Marseille pour la première édition de la Planet Fiction Convention. Déjà, es-tu content d’être là ? Et est-ce que l’univers des comics et de la science-fiction représenté ici est quelque chose qui t’attire personnellement ?

Jérémie Covillault : Je suis ravi d’avoir été invité à la Planet Fiction Convention d’autant plus que Hervé Bercane, l’organisateur, est un vieux copain. C’est venu en discutant ensemble, étant donné que j’ai eu l’occasion dans mon boulot d’acteur et d’acteur de doublage de doubler pas mal de héros Marvel notamment Wolwerine – enfin Logan -, Venom dernièrement, Doctor Strange, d’être aussi la voix de Negan dans The Walking Dead. J’ai contribué un petit peu à l’idée avec Hervé donc je suis absolument ravi d’être ici pour parler de mon métier et partager ma passion de tout ça. Et je suis, en plus, un grand fan de science-fiction, de comics. J’ai grandi avec Star Wars et les comics.

Tu as commencé ta carrière très jeune. Qu’est-ce qui t’as donné envie de devenir comédien ?

J’ai eu la chance d’avoir un papa qui était passionné de cinéma et qui, en plus, dessinait et peignait des affiches de film. Il a notamment fait la plupart des affiches des films avec Belmondo, tous les trucs de René Château, même la panthère noire. C’est mon père qui les a dessinés donc j’ai grandi dans l’amour du cinéma, de la bande-dessinée, des livres, etc. Donc j’ai tout de suite été immergé dans tout ça et j’étais fan de Belmondo. Un jour, mon père m’a emmené sur le tournage d’un film avec Jean-Paul. C’était Le Professionnel. J’ai eu l’occasion de rencontrer mon idole.

J’ai commencé à voir des films très jeune avec mon père et quand je voyais un film, je voulais faire le même métier que le héros la plupart du temps. Quand j’ai vu La Tour Infernale, je voulais être pompier comme Steve McQueen, quand j’ai vu Indiana Jones, je voulais être archéologue comme Harrison Ford. Et quand j’ai compris que ce métier me permettrait de manière légitime de continuer à jouer aux gendarmes et aux voleurs, aux cowboys et aux indiens, et de pouvoir faire tous les métiers du monde, de vivre à pleins d’époques différentes et de continuer toute ma vie à jouer, à m’amuser, de manière relativement évidente, j’ai décidé que je ferais ça. L’envie est venue comme ça.

Depuis plusieurs années maintenant, tu es également comédien de doublage pour des films, des séries mais aussi des jeux vidéos. Qu’est-ce qui t’a poussé à explorer cette facette de ton métier ?

J’ai justement eu la chance de ne pas avoir à prospecter et à chercher à faire du doublage ce qui est le cas de beaucoup de comédiens. J’ai eu la chance d’avoir un ami, qui est comédien également et qui s’appelle Hervé Rey, que je connais depuis qu’on a 14/15 ans. On a tourné ensemble à l’époque. C’est l’antithèse de ma voix car il a une voix plutôt aigüe. C’est notamment la voix de Peter Pan. Quand il m’a entendu dans un film un soir à la télé, ça faisait quelques années qu’on ne s’était pas vus. C’est vrai que ma voix s’est posée un peu différemment il y a une quinzaine d’années et qu’elle est de plus en plus grave. Donc, il m’a entendu et il m’a appelé. Il m’a dit : « Ecoute, je viens de t’entendre. Avec la voix que tu as, il y a vraiment moyen que tu fasses du doublage. Est-ce que ça t’intéresse ? ». Je n’y avais jamais pensé. J’en avais fait un tout petit peu à l’âge de 20 ans, mais ça n’avait pas duré. Et puis il me dit : « Il y a vraiment un truc à faire ». Je me suis dit « Ok, tentons le coup » et c’est allé très vite.

J’ai eu la chance d’avoir la bonne voix au bon endroit au bon moment. On m’a expliqué plus tard que, au-delà du travail que j’avais pu fournir, la chance que j’avais eu c’était que les voix graves avaient toutes un peu vieillies et qu’on n’avait plus vraiment de voix graves pour les 35-45 ans. J’avais à peu près 35 ans quand j’ai commencé à faire du doublage. La place était assez vacante donc je suis arrivé là-dedans et ils se sont dits « On a un acteur avec une voix grave pour des acteurs américains qui ont des voix graves ». Et ça a été très vite. En un an, je me suis retrouvé à faire des gros rôles et puis il y a eu Tom Hardy qui est arrivé là-dessus et Bane dans The Dark Knight Rises. Même si j’avais fait quelques trucs avant comme le remake de Conan le Barbare avec Jason Momoa, que j’avais déjà doublé Tom Hardy dans Des hommes sans loi, c’est vrai que Bane a changé un peu la donne pour moi et m’a permis de m’installer comme une vraie voix dans le doublage.

Justement, quels sont les comédiens que tu doubles régulièrement ? Et les as-tu déjà rencontrés ?

Tom Hardy, je le double depuis Des Hommes sans loi et Bane, donc ça doit faire une dizaine d’années maintenant. J’ai eu la chance de le rencontrer plusieurs fois. La première fois à l’époque de Batman justement et c’est un type super, absolument charmant, très sympa, très drôle qui se prend pas au sérieux, qui est vraiment passionné par son métier et qui a lui-même une vie plutôt riche et chargée et pour qui le cinéma a été assez salvateur.

Je double également Hugh Jackman occasionnellement. Lui, je n’ai pas eu l’occasion de le rencontrer. Je l’ai croisé une fois mais on s’est pas vraiment rencontré. Je double Jeffrey Dean Morgan dans The Walking Dead notamment mais je l’ai aussi doublé dans d’autres séries.
Je double Javier Bardem depuis quelques films que j’ai eu la chance de rencontrer. Pareil, un type absolument charmant et tellement sympa. Benedict Cumberbatch également que je double au cinéma, notamment dans Doctor Strange, dans Le Hobbit où il joue Smaug et que je viens de doubler dans le film d’Andy Serkis, Mowgli : La légende de la jungle qui va sortir sur Netflix. Benedict Cumberbatch fait Shere Khan, le tigre, et je le double en français. Je double aussi Joel Edgerton très régulièrement mais  je ne le connais pas. Et puis après c’est au coup par coup.

Voilà des acteurs que je double régulièrement et c’est assez génial parce que ce sont des acteurs que j’aime et qui jouent des rôles que j’adorerais vraiment jouer. Quand je revois un peu ma filmographie dans le doublage, je me dis que j’ai été Smaug le dragon, Shere Khan le tigre, un grand méchant dans Batman, plusieurs héros de comics, Mad Max. Enfin que des trucs de gamin qui, moi, me font rêver. Donc je trouve ça assez génial.

Du coup, est-ce que cette activité t’a apporté quelque chose par rapport à ton métier de comédien en général au cinéma, à la télévision ou au théâtre ?

Oui, bien sûr. Je ne sais pas si on prend assez ça au sérieux le pouvoir de la voix. L’impact que ça peut avoir, les intonations, de travailler dans la finesse. J’ai pris conscience de ça, c’est-à-dire qu’on n’a pas, au cinéma, que les yeux et que la voix. Et puis, tout simplement, au théâtre, ça fait travailler le souffle pour porter la voix. Donc, oui, ça m’a apporté énormément, dans la technique surtout, dans les techniques de jeu. Et, de toute façon, je pense que plus on travaille et plus on apprend et que le doublage reste aussi avant tout un travail d’acteur, une autre facette, un autre exercice de style de ce métier mais que tout est complémentaire. Tout va t’aider à mieux jouer : le théâtre, le cinéma, le doublage. J’apprends partout et j’apprends de tout. Donc tout sert, tout fonctionne ensemble.

Pour revenir à ton actualité, tu es actuellement en tournée avec la pièce Le Banquet de Mathilda May Peux-tu nous présenter cette pièce ?

C’est Le Banquet, écrit et mis en scène par Mathilda May, qu’on a joué pendant un mois au Théâtre du Rond Point à Paris, et qui a été un énorme succès. On est très heureux. On est actuellement en tournée. On sera notamment à Marseille le 5 décembre au Silo. Là on a déjà fait Mérignac, on était à Vesoul il y a quelques jours. On va faire Antibes, Salon de Provence et on finit la tournée par Blagnac à Toulouse. C’est un spectacle complètement fou, sans texte. Elle avait déjà amorcé ce travail là sur sa précédente pièce, Open Space. Donc, il n’y a pas de texte écrit. On parle en gromelot. C’est une véritable histoire, celle d’un mariage qui part en sucette. Disons qu’on met beaucoup moins l’accent sur les mots pour que justement le corps parle plus. Mais on raconte vraiment une histoire. Nous, on sait exactement ce qu’on raconte sur scène. On se parle réellement même si ce n’est pas avec de vrais mots. Et ce qui est assez fascinant c’est de voir le public au début un peu décontenancé par ça. Les trois premières minutes, les gens se disent : « On comprend rien à ce qu’ils disent »…et, au bout de trois minutes, les gens suivent parfaitement l’histoire. On a vraiment travaillé avec Mathilda sur la musique, non pas la musique des mots, mais la musique des intentions. En fait, avec un geste appuyé par une façon de dire quelque chose, même si ce ne sont pas des mots, les gens comprennent parfaitement ce qu’on dit. On suit ça comme un vrai spectacle, comme une pièce de théâtre. Et puis ça chante, ça danse, il y a de la musique. C’est très cinématographique parce qu’au sein de la pièce il y a des ralentis, des arrêts sur image, il y a des projections vidéos. Ce n’est pas une pièce de théâtre, c’est un vrai spectacle. Et les gens sont en général très très heureux à la fin. Et on finit avec des salles debout, des standing ovation de gens qui ont la banane jusqu’aux oreilles. On nous a souvent dit que c’était un spectacle qui faisait du bien et qu’on n’avait pas l’habitude de voir ça au théâtre donc nous on est très heureux de distribuer un peu de bonheur autour de nous. C’est un vrai bonheur, un vrai plaisir à faire.

Au-delà de cette tournée, as-tu d’autres projets qui se profilent à l’horizon ?

J’ai d’autres projets théâtre pour 2019. Je ne peux pas trop en parler pour l’instant. Il y a deux pièces en fait pour l’instant qu’on est en train de monter, de mettre sur pieds. Il va y avoir une reprise en tournée du Banquet en 2019 et, éventuellement une reprise à Paris. Donc côté théâtre, j’ai pas mal de projets d’autant que maintenant j’ai ma boîte de production donc il y a un des deux spectacles dont je t’ai parlé que je vais coproduire et jouer.

Et puis des doublages évidemment. Il y a beaucoup de choses qui arrivent mais je ne peux pas trop en parler parce qu’on est toujours sous le sceau de la confidentialité.

Et, à part ça, j’ai aussi des tournages de prévu pour le début 2019. Et un film qui va être entre les deux, entre fin 2018 et 2019. Donc tout va plutôt bien. Il y a pleins de choses à faire.

Pour conclure, je te laisse le mot de la fin.

Merci beaucoup déjà. Ça me fait plaisir parce que ça faisait longtemps qu’on devait se voir et faire cet interview donc je suis ravi qu’on la fasse ici à la Planet Fiction Convention. Je suis ravi d’être là et je vous embrasse tous. Et à très bientôt j’espère.


Le Banquet (1h40)

  • Une pièce écrite et mise en scène par : Mathilda May
  • Avec : Ariane Mourier, Tristan Robin, Arnaud Maillard, Stéphanie Djoudi-Guiraudon, Jérémie Covillault, Roxane Bret, Françoise Miquelis, Bernie Collins, Sébastien Almar, Lee Delong

Le 04 décembre à Salon-de-Provence (13), le 05 décembre à Marseille (13), les 6 et 7 décembre à Antibes (06), le 11 décembre à Morges (Suisse) et du 13 au 15 décembre 2018 à Blagnac (31).

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