[Interview] Florence Fauquet et Chloé Lasne : « Pour créer cette pièce, on s’est fait une liste de toutes les choses qu’on voulait absolument faire sur scène »

Chloé Lasne & Florence Fauquet / © Anne-Sophie Giraud
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A l’occasion de la 53ème édition du Festival Off d’Avignon, j’ai pu aller à la rencontre de Florence Fauquet et Chloé Lasne, qui sont actuellement à l’affiche de Si Richard Si, spectacle qui revient pour la troisième fois au festival et qu’elles ont également écrit et mis en scène. La pièce se joue du 6 au 29 juillet au Théâtre des Béliers à Avignon.

 

Bonjour Florence et Chloé. Vous jouez Si Richard Si au Théâtre des Béliers à 10h30, une pièce que vous avez également écrite et mise en scène. De quoi parle-t-elle ?

Chloé Lasne : Si Richard Si c’est un duo burlesque que l’on a créé il y a quatre ans parce qu’on s’est énormément amusée à jouer toutes les deux la scène des meurtriers…

Florence Fauquet : Qui existe vraiment dans le bouquin de Richard III de Shakespeare.

Chloé Lasne : Et c’est la seule scène, comme dans pleins de pièces très sombres et historiques, que Shakespeare a délibérément écrit pour souffler, rire et rêver un peu. C’est les seuls personnages qui n’ont pas de noms, qui ne sont pas de sang royal. C’est premier meurtrier, deuxième meurtrier. Ils font face à leur conscience et ils hésitent à tuer ce fameux Clarence. C’était dans notre école parce qu’on s’est rencontrées en classe libre au Cours Florent. On devait la jouer pour un spectacle là-bas. En fait, elle devait durer cinq minutes, elle s’est mise à durer vingt minutes. On fait la même taille, on était habillées pareil. On a joué sur le fait qu’on avait l’impression que c’était possiblement la même personne qui se parlait à elle-même. On s’est éclatées. On se tapait des fous rires sur scène. Donc l’évidence, à la fin de nos études, ça a été de travailler ensemble. On a voulu partir sur autre chose et, très vite, on est revenues à ces deux personnages là, puis on a décidé de leur écrire une pièce. Evidemment, dans le pitch il y a Richard, mais c’est devenu une vraie comédie en duo…

Florence Fauquet : Très décalée justement par rapport à l’œuvre d’origine. On a vraiment repris que cette scène là et le repenti de Richard à la fin.

Chloé Lasne : Il y a des petits morceaux de Shakespeare et puis c’est devenu une écriture qui est la nôtre, qui a découlé beaucoup du travail de plateau et d’impro. On a trouvé le fil rouge de Richard III, la vraie pièce, c’est-à-dire qu’il nous fait faire tout le sale boulot à sa place. Donc a essayé d’être plutôt dans la chronologie.

Florence Fauquet : Et on a imaginé qu’il n’était plus qu’une voix off parce qu’il était tellement moche. Il est réputé pour être vraiment hideux. Du coup, il ne sortait plus de chez lui. Et il nous ordonne de tuer tous les personnages de la pièce à sa place.

Chloé Lasne : Exactement.

Sur scène, vous mélangez à la fois le théâtre, le mime, la danse, le chant.

Florence Fauquet : En fait, pour tout avouer, pour créer cette pièce, toutes les deux, on s’est fait une liste des choses qu’on voulait absolument faire sur scène (rires). La liste était longue, on a pas pu tout mettre. Mais on a mis un maximum de choses.

Chloé Lasne : Il y avait notamment parler d’autres langues, manger sur scène. Ça n’y est pas. Mais ça sera pour le deux (rires). Mais c’était vraiment genre « Et toi, qu’est-ce que tu as toujours rêvé de faire ? », « Et toi, qu’est-ce qu’on t’a jamais fait faire encore ? . C’était l’occasion parce qu’on était en totale carte blanche vu que c’était nous et que nous.

Florence Fauquet : C’est pour ça qu’on mélange pleins d’arts du spectacle.

Chloé Lasne : On s’est pas limité en fait. En plus, au tout départ, c’était un projet d’école, qui est devenu maintenant un vrai spectacle pro. Du coup, il y avait une totale liberté de mettre tout ce qu’on voulait sans trop se prendre la tête de comment ça serait reçu.

Florence Fauquet : On fait du chant, de la danse, du mime, du clown, on rappe, on fait du beatbox.

Si Richard Si
Si Richard Si / @ Barbara Buchmann Cotterot

La pièce a été un des succès du Off en 2015 et 2017. Cette année, vous revenez aux Béliers dans la grande salle.

Florence Fauquet : C’est ça. On a commencé au Théâtre des Corps Saints quand on sortait de l’école. Ça a très très bien marché. On a fait complet tout le mois. C’était une grande surprise parce qu’on ne nous connaissait pas. En plus, une création c’est toujours un peu plus dur sur le festival.

Chloé Lasne : Et puis c’est un peu sans étiquette. Après, je pense aussi que ce qui faisait venir du monde c’est que c’est assez joyeux. Pour vendre un spectacle à Avignon, c’est génial parce qu’on a envie de rire avec les gens. On a eu un bon bouche-à-oreille. Et puis les Corps Saints c’était un super accueil. On était tout à fait autoproduits, c’était vraiment la découverte totale du festival et on a adoré.

Florence Fauquet : Et après, on voulait absolument être au Théâtre des Béliers. On adorait la programmation avant. Et ils nous ont pris pour la petite salle qu’on a adoré. Et, pareil, on a fait complet tout le mois. C’était incroyable. Du coup, ils nous ont fait confiance et ils nous ont dit « Bon, l’année prochaine, grande salle ». On a fait « Euh…Ah bon ? Oui oui, d’accord » (rires). Et on s’est lancées ce gros  défi parce que c’est quand même trois fois plus de jauge. Et le public est au rendez-vous.

Chloé Lasne : On est trop trop contentes. Mais on a fait une nouvelle version du coup. C’est-à-dire qu’on s’est dit, on l’a déjà joué en tournée beaucoup de fois dans des grandes salles, mais on l’avait jamais vraiment adaptée. On avait jamais repris le temps de faire des vrais résidences de travail. Et cette occasion, cette offre qu’on avait de jouer dans la grande salle, on en a profité pour créer une nouvelle version, à commencer par de nouvelles lumières. Et puis, ça a découlé sur énormément  de changements.

Florence Fauquet : Et surtout on a travaillé avec un metteur en scène.

Chloé Lasne : Qui s’appelle Clément Pouillot et qui est acteur, metteur en scène et directeur d’un théâtre à Nantes. Donc, on a fait plusieurs résidences à Nantes et en a découlé cette nouvelle version plus peaufinée. On a retravaillé des choses dans la dramaturgie, dans notre duo, … En fait, tout pleins de petites choses. Ça a été un travail de funambule toute l’année, pour être entre l’ancienne version et celle-là, et rester dans l’exact même spectacle. Ça a été un assez long travail et nous voilà.

Depuis que vous jouez au Festival Off d’Avignon, qu’appréciez-vous ici ?

Florence Fauquet : C’est quand même l’occasion d’aller au resto midi et soir (rires). Il y a vraiment une espèce d’effusion. Moi, en tout cas, je crois que ce qui me plait le plus au Festival Off, et j’adore voir ça, c’est le mal que se donnent toutes les compagnies pour fabriquer des petits trucs, des petites installations, pour leur parade, de prendre soin de leurs costumes, de voir des gens à 8h du mat’ quand tu sors chercher ton pain qui sont ultra bien coiffés parce qu’ils vont aller sur scène, du mal que se donnent les compagnies de trouver le truc original pour te tracter.

Chloé Lasne : Et puis de tout âge. Tu vois des très jeunes compagnies, tu vois aussi des compagnies qui sont là depuis des années. Il y a des personnes qui font le même taf que nous là, qui se lèvent, qui font les mêmes journées, alors qu’elles ont 60 ans. Je trouve que c’est génial. C’est ça aussi qui est cool. Ça rassemble tout le monde.

Florence Fauquet : Et toi, Chloé ?

Chloé Lasne : J’ai répondu comme toi. Et puis c’est aussi l’occasion de jouer tous les jours. Franchement, c’est ce qui fait partie aussi de nous, de ce projet-là. Moi, je suis allée faire une formation à Marseille. En gros, on était soit en tournée, soit à Avignon. Mais on n’a pas fait d’exploitations à l’année à Paris. On l’a pas fait, mais on voudrait le faire. Donc, on a eu Avignon et Avignon a vraiment aidé à la création parce que c’est quasiment, non pas comme une résidence de travail parce qu’on a aucun temps, on doit rendre la salle très vite etc., mais on a eu l’occasion, les trois ans où on l’a fait, chaque jour de dire « On peaufine ça ». Et ça c’est royal. Là, rien qu’en une semaine, chaque jour on est là « Tu vois, ça on l’a trouvé, ça demain on fait comme ça ». J’adore. C’est trop cool.

Quel a été votre parcours à toutes les deux avant de créer Si Richard Si ?

Florence Fauquet : On s’est rencontrées toutes les deux au Cours Florent dans la promotion de la Classe Libre. Chloé a fait une école avant Le vélo volé. Moi j’ai fait le parcours classique. Et on s’est rencontrées donc dans la promo de Classe Libre qui est sur concours où on est vingt par an. Après, Chloé a fait l’Erac, c’est une formation à Marseille.

Chloé Lasne : Ça fait partie des écoles publiques où il y a un concours aussi. J’avais passé plusieurs villes et j’ai eu celui de Cannes. En fait, c’est Cannes, mais ça devient de plus en plus Marseille. Ça s’appelle l’Eracm maintenant. J’en suis sortie il y a un an. Donc, ça y est, on est beaucoup plus à travailler ensemble. En fait, au Cours Florent, on a créé un collectif où il n’y a pas que nous. On fait partie du collectif La Cantine qui commence à bien travailler sur Paris principalement.

Florence Fauquet : On s’est rencontrés en première année au Cours Florent. On s’est plus quittés depuis.

Chloé Lasne : Il y a environ cinq chefs de projet.

Florence Fauquet : Et depuis, accessoirement, on est un peu tous meilleurs potes (rires). Moi, après la formation, j’ai travaillé en ciné, télé, et puis aussi le théâtre nous deux. Et, du coup, là on va se retrouver l’année prochaine.

Chloé Lasne : Moi je slalome entre Paris et Marseille depuis ma formation. Je suis vraiment entre les deux villes pour le coup. Et depuis l’école j’ai un tout petit pied dans certaines créations plus subventionnées entre guillemets, alors que là avec Si Richard Si, un peu par hasard, grâce aux Béliers, on a plus un pied dans le théâtre privé. Donc c’est super aussi de jongler entre les deux mondes.

Mis à part Si Richard Si, est-ce que vous avez d’autres projets à venir ?

Chloé Lasne : Déjà, Flo, elle est jamais sans un film dans sa tête. Tous les jours, elle se réveille avec une nouvelle idée de film (rires). Il faut la suivre, ça va arriver. Moi j’ai des projets de musique puisque je chante aussi dans des spectacles, je crée aussi parfois la musique de certains spectacles. Et puis, évidemment, on rêve tout doucement de continuer le duo. On a encore du mal à savoir exactement sous quelle forme ça va rejaillir. Je crois qu’il faut d’abord qu’on termine complètement cet épisode. On sent qu’en fait, Si Richard Si, c’est comme quelque chose qui est dans nos mains  mais qui, en même temps, est indépendant et fait son petit chemin. On aimerait bien qu’il aille à Paris d’abord. Comme s’il fallait aboutir ça avant que la deuxième forme naisse. Mais on a déjà plein d’idées…et ça serait nous deux encore.

Florence Fauquet : Sinon avec le collectif, j’ai un projet dans deux jours.

Chloé Lasne : Ah oui ? (rires)

Florence Fauquet : Au Théâtre du Girasole, dans L’écume des jours. Je reprends le rôle de Roxane Bret. C’est une super belle pièce.

Chloé Lasne : Produite par Théâtre Actuel. Et moi je travaille à Marseille avec une compagnie qui s’appelle La Paloma. Ca s’appelle Ravie, et c’est un texte de Sandrine Roche. C’est pour jeune public mais pas que. C’est La Chèvre de Monsieur Seguin complètement revisitée.

Florence Fauquet : Elle est la chèvre.

Chloé Lasne : Je suis la chèvre (rires). Ça va se jouer aussi dans plusieurs endroits, peut-être même j’espère à Avignon. Mais déjà à Marseille.

Florence Fauquet : Je mets une pièce en scène en août à l’Ile de Ré. On va faire notre CV si ça continue (rires). Je joue et je mets en scène une pièce pour un festival. C’est une toute nouvelle création autour des textes de Matei Visniec. De superbes textes, très jolis.

Chloé Lasne : Je crois que c’est bon là.

Auriez-vous un coup de cœur à partager pour cette 53ème édition du Festival Off d’Avignon ?

 Florence Fauquet : Oui, vraiment, regarde comme on est d’accord. Alors, nous, évidemment, ça fait trois fois qu’on fait Avignon dans le comique, donc on part un peu là-dessus. C’est Garden Party. En fait, on est fan parce qu’il y a quelques compagnies de rue de gens qui ont entre 35 et 45 ans, des compagnies magnifiques, des familles qui font partie de la rue. Qui ont des milliards de représentations dans les pattes, mais ils sont toujours frais, géniaux. C’est la Compagnie N°8, la mise en scène d’Alexandre Pavlata, et ça s’appelle Garden Party au Théâtre de l’Oulle. Et l’année dernière on est allé le voir toutes les deux et on n’a jamais autant ri.

Chloé Lasne : Vraiment, des éclats de rire.

Florence Fauquet : C’est une parodie des parties de campagne de la grande aristocratie, de la bourgeoisie. C’est des clowns sans nez et ils sont complètement classes parce que c’est des bourges. A un moment, ils le jouaient vraiment devant des châteaux, c’était vraiment un truc de rue. Et puis, je pense qu’ils cherchent à aussi convaincre d’autres publics en salle. Et ça marche parce qu’ils sont drôlissimes. Ils poussent toutes leurs blagues à fond.

Chloé Lasne : Ils ne parlent pas, c’est que du gromeleux. Sans arrêt. Et ils sont très forts. Je pense que séparément, ce sont des clowns aussi qui ont un bon passif.

Florence Fauquet : Il y en a d’autres. Nous on est allé voir Batman contre Robespierre, pareil, c’était super.

Chloé Lasne : C’est aussi une compagnie de rue qui débarque.

Florence Fauquet : Qu’est-ce qu’il y a d’autres dans les pièces que l’on a conseillé ? Un collectif de nanas qui sortent des cours Florent aussi, Sodome ma douce. C’est vraiment un autre registre pour le coup.

Chloé Lasne : Il y en a pleins mais à chaque fois on zappe de le dire.

Florence Fauquet : Venise n’est pas en Italie.

Chloé Lasne : On a trop aimé aussi. Mais bon, ils ont pas besoin de nous. Ils sont conseillés dans toutes les rues.

Pour conclure, je vous laisse le mot de la fin.

Chloé Lasne : Et bien on va manger (rires).

Florence Fauquet : Ça tourne vraiment tout autour de la bouffe (rires).

Chloé Lasne : Merci à toi. C’est aussi ça Avignon, d’avoir des gens qui diffusent et qu’on rencontre comme ça au soleil, et non pas à Paris. Moi j’adore. C’est cool.

Florence Fauquet : C’était long pour un mot de la fin (rires).

Un grand merci à Florence Fauquet et Chloé Lasne d’avoir pris le temps de répondre à mes questions pour Ciné, Séries, Culture.

Si Richard Si


Si Richard Si (1h15)

  • Auteur : Florence Fauquet et Chloé Lasne
  • Metteur en scène : Clément Pouillot, Florence Fauquet et Chloé Lasne
  • Avec : Florence Fauquet et Chloé Lasne

A l’affiche du Théâtre des Béliers à Avignon du 6 au 29 juillet 2018 à 10h30 (à l’exception des 9, 16 et 23 juillet, représentations supplémentaires les 15 et 22 juillet à 19h00).

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